Apprendre, une compétence clé?

Aujourd’hui, un drone frappe à  ma fenêtre pour me livrer le dernier Iphone 15 S, ma « self-driving car »  viendra me chercher dans quelques minutes, nous sommes en 2026. Je me remémore avec nostalgie (ou pas) mon enfance à  regarder la télévision, et je souris en pensant aux enfants d’aujourd’hui qui ne savent même pas ce qu’est une disquette. 2026, c’est dans à  peine 10 ans, pas si loin pour nous mais pour la technologie d’aujourd’hui c’est à  peu près ce qui sépare la découverte du feu et celle de l’électricité. Tout va extrêmement vite et le changement est constant.

Pour rester dans la course, le développement des compétences est clairement devenu une priorité majeure pour les entreprises et les managers. La direction, les RH, demandent aux collaborateurs d’assister à  des conférences, de lire des études de cas (ou de lire tout court), de regarder des vidéos, etc., dans le but de développer de nouvelles idées, techniques, compétences. Si à  l’école, la question était d’apprendre un ensemble de compétences pour se « préparer à  la vie », dans l’entreprise aujourd’hui, il s’agit d’apprendre à  apprendre et d’évoluer, tout au long de sa carrière. Et ce n’est pas si simple.

1. Les 3 compétences à  apprendre pour apprendre

L’aspiration

Pourquoi n’avons-nous aucun problème à  apprendre par cœur les règles de notre sport de prédilection mais nous n’aurons aucune envie d’apprendre le chinois si notre manager nous le demande ? Parce que dans le premier cas nous voyons les côtés positifs : si j’apprends de nouvelles techniques de football je pourrais devenir un meilleur joueur et y prendre encore plus de plaisir. Et dans le deuxième cas, nous voyons le négatif : cela va me prendre du temps, est-ce que cela va vraiment me servir etc.

Face à  un changement, souvent la première réaction que nous avons est de voir les côtés négatifs, malheureusement cela ne fait que renforcer notre manque d’aspiration à  changer. Avant de refuser d’apprendre une nouvelle compétence, un réflexe pourrait être d’imaginer d’abord les bénéfices que nous pourrons en retirer personnellement : cette compétence nous ouvrira de nouvelles opportunités, elle nous permettra d’obtenir de nouvelles informations intéressantes, ou de rencontrer de nouvelles catégories de personnes. (Daenerys a bien fait d’apprendre à  contrôler ses dragons, non ?)

La curiosité

La curiosité ne pose aucun problème aux enfants, au point que certains scientifiques la considèrent comme un driver au même titre que peut l’être la recherche de nourriture. Tout l’enjeu est donc de conserver cette curiosité au cours de notre vie et de nous en servir dans notre travail. La curiosité est ce qui nous poussera à  nous intéresser à  d’autres domaines que le notre, à  apprendre de nouvelles choses mais elle peut aussi nous aider à  réaliser des tà¢ches qui nous ne nous intéressent pas au départ. Et, si au lieu de nous dire « je ne veux pas faire cela, c’est ennuyeux » nous nous demandons « qu’est-ce que les autres voient et que je ne vois pas qui rende cette tà¢che passionnante à  leurs yeux ? » ou « comment pourrais-je faire les choses différemment pour qu’elles m’intéressent ? ».

L’humilité

Après avoir excellé dans un domaine, il est souvent difficile d’accepter de redevenir un débutant dans un autre. L’idée de devoir poser des questions « bêtes », d’avoir besoin d’être guidé à  chaque étape n’est pas plaisante. C’est pourtant nécessaire pour apprendre et encore une fois, en changeant de point de vue cela peut paraître beaucoup plus simple. L’état d’esprit idéal pour un débutant est d’être humble mais confiant : « présentement je ne suis pas bon mais je sais que je vais le devenir ». Une étude a montré que lorsqu’un débutant est encouragé dès le début à  faire des erreurs et à  apprendre d’elles, il devenait plus persévérant et apprenait plus vite.

L’humilité nous aidera aussi à  identifier les domaines dans lesquels nous avons besoin de nous améliorer. Dans une étude de David Dunning, psychologue à  l’université de Cornell, 94% des professeurs en université interrogés considéraient qu’ils effectuaient un travail « au-dessus de la moyenne ». Clairement, quasiment la moitié d’entre eux se trompaient et cette vision qu’ils avaient d’eux-mêmes diminuait grandement quelconque envie de se développer. Accepter que nous ne sommes pas bons partout, que nous avons des marges de progression et que nous aurions intérêt à  nous développer va contribuer à  nous donner l’envie d’apprendre.

Développer ces trois compétences nous aidera aussi à  éviter les biais cognitifs qui freinent notre apprentissage. En effet, le cerveau humain a certains biais et notamment celui de ne pas aimer avoir tort, c’est pourquoi, quand nous avons une opinion, nous avons tendance à  entendre uniquement les arguments qui vont dans notre sens. Un autre biais particulièrement dangereux dans notre monde d’aujourd’hui rythmée par les fils d’actualités : le cerveau a tendance à  considérer la première information qu’on lui donne comme étant la plus importante. Et oui, si dans notre fil facebook nous voyons d’abord une photo de Léonardo DiCaprio, puis un article sur l’intelligence artificiel, notre cerveau pense que Leo est plus important… C’est pourquoi être conscient de ses biais cognitifs est particulièrement important !

2. Apprendre par nos relations aux autres

Mieux se connaître pour mieux apprendre

Si nous ne pouvons pas tout connaître du monde, nous ne connaissons pas non plus tout de nous. C’est le principe de la fenêtre de Johari. Cette fenêtre divise les informations que nous avons sur nous en quatre zones : la zone publique, connue de moi et des autres, la zone cachée, connue seulement de moi, la zone inconnue, connue ni par moi ni par les autres et la zone aveugle connue seulement par les autres. C’est cette dernière case qui nous intéresse particulièrement. Les informations qu’elle contient ne pourront nous être rendues accessibles que dans la relation à  l’autre et nous y découvrirons peut-être des talents dont nous n’avions pas conscience ou des domaines à  améliorer. Et si pour mieux apprendre, nous commencions par en apprendre plus sur nous même !

Les débriefs

Dans le feu de l’action, il nous arrive de faire des choses sans que nous nous en rendions vraiment compte et de ne plus y penser si nous ne faisons pas un effort pour y revenir. Or, sans s’en rendre compte nous utilisons parfois des compétences que nous ne pensions pas avoir. Débriefer après un projet et se demander « qu’est ce qui a fait que à§a a marché, qu’est ce qui a rendu les choses plus compliquées etc. » nous permettra de faire le point. Nous apprendrons ainsi quelles compétences nous avons particulièrement utilisées dans le projet, lesquelles nécessitent une amélioration. Nous en saurons plus sur nous même, mais surtout nous aurons ancré le savoir dans l’expérience et nous en souviendrons donc beaucoup mieux. Je demande souvent à  mes clients de tenir un « journal de compétences » et les invite à  y noter les compétences qu’ils ont utilisés dans la semaine, celles qui leur a manquées ou celles dont ils sont particulièrement fiers.

Expérience partagée

Partager une expérience avec quelqu’un, quelle que soit cette expérience : regarder un film, travailler sur un projet, etc., et en discuter est un moyen incroyablement efficace pour en apprendre plus sur un sujet. En effet, même si l’expérience était la même, nous l’aurons chacun vécu différemment par ce que nous n’aurons pas fait attention aux mêmes détails, parce que cela ne nous aura pas fait penser aux mêmes choses. Cette expérience peut aussi simplement être le point de départ d’une discussion que nous n’aurions pas forcément eue autrement. Un soir, j’ai regardé un épisode de In Treatment (En analyse en franà§ais) avec ma fille, il s’agit d’une série télé retraà§ant le travail d’un psychologue. La série nous donne à  voir son travail avec des patients ainsi que le travail qu’il fait avec son superviseur. A partir de cette expérience, ma fille m’a posé beaucoup de questions sur mon travail de coach, en quoi c’était différent du travail de psychologue, est ce que moi aussi j’étais supervisée etc. Autant de questions qu’elle ne m’aurait pas posées autrement et qui m’ont permis de lui en apprendre beaucoup sur ce que je fais !

Partager la connaissance

Dans le plaisir d’apprendre une nouvelle chose entre aussi le plaisir que nous aurons quand nous pourrons partager cette connaissance. Les êtres humains sont des « animaux politiques », comme disait Aristote, nous aimons nous connecter et partager, le développement des réseaux sociaux en sont bien la preuve. Ce partage est un très bon moyen de se motiver à  apprendre. Si certains défis Facebook ont plus pour effet de geler le cerveau, Zuckerberg a aussi utilisé son réseau social pour lancer un club de lecture 2.0. Le défi est de lire un livre par semaine et d’en discuter ensuite avec tous les participants.

Se développent aussi des rencontres types BBL ou Brown Bag Lunch. Il s’agit d’inviter un expert interne à  venir parler d’un sujet qui le passionne le midi dans une entreprise autour d’un sandwich. Voilà  un autre bon moyen de partager la connaissance !

Et ce partage est de plus en plus essentiel. Avec l’arrivée des robots et autres intelligences artificielles, 45% des métiers vont disparaître selon une étude d’Oxford University. Pour concurrencer, nous, humains, devons développer d’autant plus ce qui fait notre différence : notre capacité à  partager et à  créer des émotions, ou notre intelligence émotionnelle.

3. Quelle est notre stratégie d’apprentissage ?

L’infinité de la connaissance

Si avant il fallait ouvrir une encyclopédie (après s’être rendu à  la bibliothèque et trouvé le bon volume), aujourd’hui la connaissance est à  une portée de clic. Ou pas. Pas toujours facile de faire le tri entre les 45 millions de liens que trouve Google à  chacune de nos requêtes. Ce que je conseille : d’abord ne dénigrer aucune source. Au départ, nous ne savons pas ce que nous cherchons et donc pas non plus ce que nous allons trouver. Ce serait dommage de se priver de certains savoirs parce que nous avons rejeté une source a priori. Une fois que nous aurons fait une première étape de recherche en fouillant un peu partout, nous pourrons commencer à  définir ce que nous voulons trouver et donc commencer à  restreindre nos sources.

Internet nous offre aujourd’hui de très nombreuses possibilités d’apprendre, que ce soit des MOOC, des tutoriaux sur Youtube « Do It Yourself », un tedtalk, ou un témoignage. Il est important de ne pas oublier pour autant les autres manières d’apprendre et notamment le fait de lire. Un autre point à  garder en tête , il est impossible de tout savoir. Une certaine frugalité et sélectivité dans nos lectures nous évitera de tomber dans la surcharge et de griller trop rapidement nos neurones !

A quel point voulons ou devons-nous connaître un domaine ?

Devenir un expert dans un domaine prend du temps et ce n’est pas toujours ce que nous voulons ou ce dont nous avons besoin. Par exemple, un graphiste pour le web a besoin de connaître la technologie informatique pour ne pas risquer de proposer des designs inutilisables car techniquement impossible à  créer. Il n’a pas pour autant besoin d’être un expert en code. La connaissance que nous avons d’un domaine peut être divisée en 6 niveaux. D’abord, le savoir (les faits, connaître la définition d’un mot par exemple), puis la compréhension, l’application (appliquer notre savoir à  de nouvelles situations), l’analyse (pour diviser le concept de base en petites parties et comprendre comment chacune est reliée à  l’autre), l’évaluation (pouvoir défendre une thèse sur le sujet) et enfin la création (créer de nouvelles idées, de nouvelles manières de faire les choses). Nous n’avons pas besoin d’attendre le sixième niveau dans tous les domaines. L’idée est de développer une connaissance de son environnement, une ouverture d’esprit qui nous permettra de mieux nous adapter à  différentes situations.

Comment apprendre ? Quelques conseils

  • Savoir quel mode d’apprentissage nous correspond le mieux.

De même qu’il existe différents types de mémoires : certains se souviennent mieux de ce qu’ils écrivent ou de ce qu’ils voient (ou certains se souviennent de tout de toute faà§on),  il existe différentes manières d’apprendre qui ne correspondront pas à  tout le monde. Ainsi, quand certains apprendront en prenant des risques et en testant de nouvelles choses, d’autres préféreront devenir très bon dans une compétence avant de la mettre en pratique. Pour apprendre au mieux et ne pas s’assommer en essayant de lire tous les volumes d’une encyclopédie si ce n’est pas comme cela que nous fonctionnons, il est donc important d’identifier notre mode d’apprentissage privilégié.

  • Se fixer un objectif d’apprentissage ou pas.

Parfois, il sera important de se fixer un objectif pour bien apprendre, « je veux savoir parler parfaitement anglais dans trois mois », ou bien « j’ai besoin d’apprendre telle nouvelle compétence précisément ». Parfois, il sera plus bénéfique d’apprendre un peu par hasard et de suivre son intuition, comme a pu le faire Steve Jobs qui a décidé un jour d’apprendre la calligraphie chinoise. Apprendre est une compétence qui demande aussi de la pratique. Apprendre quelque chose, quelle qu’elle soit, nous aidera à  apprendre encore mieux la prochaine. Et puis, peut être que cette compétence se révélera utile par la suite !

  • Apprendre par le jeu.

Les « serious game » sont des jeux développés pour apprendre de manière ludique. Les jeux de simulation vont ainsi permettre aux utilisateurs de développer leurs compétences dans certains domaines, tout en ancrant cet apprentissage dans l’expérience et en rendant l’expérience amusante. Mais les jeux vidéo, même ceux qui n’ont pas de dimension éducative, aident à  développer des compétences nécessaires dans le monde de l’entreprise. Prendre des décisions rapidement, faire attention à  toutes les informations qui se trouvent dans notre environnement, les apports des jeux vidéo sont nombreux ! Starcraft, par exemple,  nous aide à  nous développer sur trois points essentiels : 1. Garder son calme, quand une situation semble désespérée, la seule chose qui pourra nous permettre de nous en sortir est de garder la tête froide ; 2. Avoir conscience du court terme et du long terme en même temps. En effet, pour espérer gagner à  Starcraft nous devons être capable de gérer le développement de notre base (quel bà¢timent produire, quand s’étendre etc.) et la gestion de nos unités au coeur de la bataille pour avoir le moins de pertes possible, exactement comme dans une entreprise ; 3. Connaître son environnement est crucial pour pouvoir anticiper les mouvements de son adversaire et y répondre au mieux. « StarCraft, is the chess of our generation. StarCraft requires the dexterity of a pianist, the mind of a chess grandmaster, and the discipline of an Olympic trainee. » – Sean « Day[9] » Plott, ancien pro-gamer sur StarCraft.

  • Ne pas oublier les bienfaits de la sieste.

Quand nous étudions ou réfléchissons sur un nouveau sujet, notre cerveau travaille de deux manières : le mode focus consiste à  se concentrer sur le sujet, sur l’article que nous sommes en train de lire, sur le problème pour essayer de tirer le plus d’informations possible. Mais, le cerveau n’est capable d’intégrer qu’une certaine masse d’informations à  la fois, et il y a un moment où il va se bloquer, où nous nous sentirons incapable de lire une phrase de plus. C’est à  ce moment que nous devons rentrer dans le deuxième mode : le mode diffus. Nous allons alors laisser notre cerveau se détendre et vagabonder librement entre les informations que nous venons de lui donner. Cela nous permettra de les regarder sous un autre point de vue, de penser à  de nouvelles choses, à  d’autres possibilités. Cette technique était utilisée par Thomas Edison selon la légende. A chaque fois qu’il se retrouvait bloqué, n’avait plus de nouvelles idées, il s’installait dans son fauteuil et se détendait. Au cas où, il gardait toujours une bille de fer dans la main. Et si jamais il s’endormait, la bille le réveillerait en tombant.

Apprendre partout, de tout, tout le temps est une initiative que nous pouvons tous prendre, c’est ce qui nous permettra de nous développer, de plus partager avec les autres, et d’entrer dans un cercle vertueux de constante évolution. Que ce soit apprendre une nouvelle compétence ou simplement se tenir au courant des tendances actuelles, on ne sait jamais ce que nous réserve l’avenir et ce dont nous aurons besoin pour y vivre au mieux !

Et vous… qu’avez vous appris dernièrement ?

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